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Coupet regarde un peu plus loin
14 avril 2017

Une simple histoire d’accent ? Lettre ouverte à Monsieur Pascal Doucet-Bon


Un reportage en date du 9 avril dernier (l’interview du directeur adjoint des rédactions de France TV, Pascal Doucet-Bon),  n’aura sans doute pas échappé aux lecteurs et auditeurs du pays roussillonnais. Il aura peut-être moins retenu l'attention ailleurs : ce cher Monsieur n’envisage pas une seconde l’idée de recruter dans la presse nationale un journaliste qui aurait « l’accent à couper au couteau d’un catalan perpignanais » et se ferait même, au besoin, le défenseur de cette position à chaque fois que l’occasion lui en est donnée…


On pourrait trouver l’information anecdotique et en conclure qu’elle prête à sourire : il n’en est rien. Il ne faut aucunement la considérer avec la légèreté de ses trompeuses apparences. Car ce n’est pas d’un simple accent qu’il est question en réalité, mais du témoignage « grandeur nature » d’une façon de concevoir la France et sa diversité qui est aujourd'hui celle des élites parisiennes autoproclamées : il existerait ainsi dans la capitale une sorte de dynastie, une lignée au sang-pur, chargée de procéder au tri entre les talents périphériques et leur vaste monde de bouseux, la périphérie justement, dont nous serions, à l'extrême sud du pays, l’exemple-type.


Mais mon pauvre Monsieur Doucet-Bon (on interpelle de cette façon, chez nous, les « presque » français…) ! Que serait une France intégralement parisienne sans les talents d’un Hugo venu de Besançon, d’un Rimbaud issu des Ardennes, d’un Lautréamont porté par son accent chantant de l’Amérique latine où il avait grandi ? On leur doit, à tous les trois et pour ne parler que d’eux, les meilleurs mots de la langue française produits jusqu'à ce jour. Alors mon cher Pascal ? Ah oui, nous avons aussi un Blaise Pascal venu de Clermont-Ferrand… encore un bouseux. Rassurez-vous, je n’irai pas jusqu’à faire la liste des innombrables catalans qui ont fait la gloire de notre pays… Inutile de les convoquer en renfort. Mais que restera-t-il, en revanche, des médiocres prestations de vos contingents de journaleux interchangeables ? De vos « réciteurs » blafards sans spontanéité, menés par leurs oreillettes, leurs prompteurs (désormais truffés de fautes d'orthographe) et portés par une diction ridicule, qui défie les règles élémentaires de la ponctuation française?


Le constat est édifiant : vous avez la vue basse cher Monsieur. Vous êtes le révélateur d’une toute petite France qui s’est refermée sur elle-même et qui en a perdu ses sens. Une minuscule France devrais-je dire, qui raille l’accent du sud, du nord et "des ailleurs" sans en percevoir les atouts,  qui se moque des sud-méditerranéens et des subsahariens qui parlent la langue de Molière (un parisien qui s’est donné la peine d’arpenter la France pour la mieux connaître, lui, et pour moquer des précieux de la Cour le ridicule dont vous êtes le digne héritier!) sans jamais en déceler les potentialités ; celle qui se recrute elle-même en cercle-clos par des processus de technoclonage, non pas sur la base de l’agencement savant que l’on saurait faire des mots, mais sur l’aptitude que l’on a à les répéter comme de vulgaires machines décharnées,  sans même les comprendre parfois!

Vous êtes déjà vous-même le produit dérivé de ce clonage et vous n’aspirez même plus à vous en défaire : vous n’êtes rien de plus finalement que ce que vous avez été programmé à faire. Pauvre de vous en vérité !  Je vous renvoie à la lecture des Lettres de mon moulin de Daudet : il vous disait déjà (à ceux de votre trempe) qu’il vous laissait de bon cœur votre parisianisme sans envergure pour profiter pleinement de sa retraite provençale où dominait l’humain.

Vous en seriez presque émouvant de manque d’envergure...  Le seul problème tient au fait que vous dirigez la presse nationale comme on gouverne aujourd’hui le pays, la Haute administration, les grandes entreprises, les préfectures et les tribunaux : avec un français sans accent qui est devenu synonyme, avec le temps, d’une France sans talent. Devrions-nous réduire nos cotisations aux médias publics pour les mettre en harmonie avec la considération que vous nous accordez et dont vous êtes le porte-voix, c’est-à-dire rien ou presque ? Comptez sur moi (sur nous, je l’espère), en toute hypothèse, pour boycotter volontairement désormais des programmes que leur niaiserie m’avait déjà invité à bouder sans y accorder d’attention particulière…

Retournez donc à vos documentaires insipides, à vos commentaires sans relief et à vos analyses de caniveau et à la promotion de vos rythmes haletants et de vos intonations ridicules : nous sommes attendus, dans notre sud chéri, par les grillades de printemps. Ces grillades de bouseux où l’on parle des gens comme vous avec amusement. Loin de vos apparats et de vos faux-semblants, nous y célébrons la vie, la vraie… avec notre accent.

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  • T. H. Coupet analyse le monde politique, juridique, économique et social qui nous entoure sans préjugé ni concession. Si vous êtes las des discours simplistes, bienvenue! Si vous êtes un esprit "conforme" de la bien-pensance généralisée, abstenez-vous..
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